Virginie Despentes: Vernon Subutex 1 époustouflant et addictif

Ils ont entre 38 et 45 ans, ont perdu leurs illusions, ne se reconnaissent plus dans la société actuelle. Ils ont changé, vieillis, ont perdu des amis sur le chemin. Ils étaient des « beaux gosses, heureux d'être crétins, au courant de rien, et surtout ignorant à quel point ils étaient du bon côté de ce que la vie leur réservait ». Pour Vernon Subutex, c’est radical, ancien disquaire au chômage et dans la dèche, la descente est raide puisqu’il va se retrouver SDF. A travers ce personnage et bien d’autres car il s’agit d’un roman choral, Virginie Despentes fait le tableau d’une époque, la notre, une sorte de comédie (in)humaine. Elle a le génie de l’imprécation, ses phrases claquent, nous laminent quelquefois et donnent l’impression qu’on passe dans une grande essoreuse. On en ressort ébouriffé et éberlué. Sa colère et sa critique de la société n’est pas une posture, un accessoire de sa panoplie d’écrivain rock c’est un vrai fiel salutaire et inspiré malgré une petite lassitude au milieu due certainement à l’indigestion des scènes de drogue et de sexe. Cela vaut la peine de continuer jusqu’à la fin tant l’écriture et la construction sont maîtrisées.

Extraits :

« gloire au grand capital. Malheur à ceux qui ne se soumettent pas entièrement. On n’a jamais vu dogme mieux respecté. Elle est géniale, leur invention, la dette…comme des putes sans papiers, ils passeront leur vie à trimer pour essayer de rembourser ce qu’ils doivent à la naissance. »

« Il faut que les gens nous voient (les sdf) pour qu’ils se souviennent de toujours obéir »

« Cannes, se disait Xavier, c'est la fête de la saucisse avec des putes en Louboutin. Tous à dégueuler leur caviar, le nez plein de coke, après avoir récompensé du cinéma roumain. Les intellos de gauche adorent les Roms, parce qu'on les voit beaucoup souffrir sans jamais les entendre parler. Des victimes adorables. Mais le jour où l'un d'eux prendra la parole, les intellos de gauche se chercheront d'autres victimes silencieuses ».